L’ELECTION DE TRUMP

 

Voilà, c’est fait ! Trump a été élu président des Etats-Unis.  Qu’est-ce que cela signifie au niveau psychologique, vu sous l’angle Jungien ?

A 8h40 je vérifie la page Web de CNN, mais le résultat final n’est pas encore affiché.  Une heure plus tard je vérifie à nouveau et découvre que « C’est Trump ».  Je suis à la fois choquée et pas choquée.

Choquée qu’un homme qui s’accroche sans discernement à de fausses croyances, compréhensions, faits, etc., et ce, au mépris de la réflexion, du bon sens et de la morale, soit élu.  Avec toutes les conséquences négatives qu’un tel fonctionnement amène.

Mais pas choquée de constater une fois de plus que c’est l’ombre – ou l’inconscient négatif – qui gouverne (au sens littéral comme au sens figuratif), pas seulement au niveau individuel mais aussi au niveau collectif.

Comme je l’ai expliqué dans mon article « Satire, Satyre, ou Ça tire », l’ombre est faite des aspects inconscients que l’ego a soit refoulé soit ignoré.  Ces aspects sont à la fois négatifs et positifs, mais la plupart du temps ils sont surtout négatifs.  Et tout ce qui est inconscient et négatif est expulsé chez les autres au travers des projections – qui se font aussi inconsciemment.

En rejetant ce qui ne peut pas être accepté en nous, nous créons l’illusion d’être parfait, différent ou supérieur, d’avoir du pouvoir, mais en réalité il s’agit de perfection, supériorité et pouvoir malsains car leurs fondements sont négatifs, ce qui par conséquent contribue à la création d’un monde extérieur négatif.

Au niveau collectif, les projections donnent naissance aux guerres sous toutes leurs formes, à la création de boucs émissaires, aux confrontations entre partis politiques, institutions, états, etc., aux relations faussées entre collègues de travail, mari et femme, parents et enfants, etc., ainsi qu’à une perception erronée de la réalité.

C’est toute la société qui en pâtit.  Jung dit :

« L’ombre est un problème moral qui challenge la totalité de l’ego, parce que

personne ne peut devenir conscient de son ombre sans un effort moral considérable.

En prendre conscience implique la reconnaissance des aspects sombres de sa personnalité

qui sont présents et réels ». (1)

Celui qui rejette son ombre provoque

« Une dangereuse possibilité d’aberration du jugement moral,

caractéristique précisément de l’être chez qui la déficience morale entraine

une inflation intellectuelle ». (2)

L’évidence d’une aberration du jugement moral, ainsi que les contradictions, l’outrance, l’incohérence, a été largement produite tout au long de la campagne électorale de Trump.  Extérieurement, dans ses attaques contre les Mexicains, les femmes, les Musulmans, Hillary Clinton, etc., il a manifesté et projeté ses aspects négatifs intérieurs et inconscients.

Ces aspects ont trouvé une résonance avec les aspects négatifs de ceux qui le soutenaient.

Mais quels sont ces aspects négatifs ?

Le peuple en a plus que marre d’être bafoué, lésé, privé de ses droits, et ne supporte plus les  mensonges, les non sens, les injustices, l’impunité et l’absence de démocratie crées par ceux qui gouvernent.  En agissant ainsi, les gouvernants non seulement fonctionnent au niveau de leur propre ombre, mais favorisent aussi l’activation de l’ombre dans le peuple.

De plus, le fait que le FBI ait effacé les charges qui pesaient contre Hillary Clinton à propos de ses mails qui soi disant contenaient des évidences de sa mauvaise gestion d’informations classées secrètes, a contribué à renforcer le sentiment d’impunité et d’injustice chez les votants pour Trump.

La confirmation que ceux qui sont au pouvoir sont au-dessus des lois et du peuple ne peut qu’augmenter la colère, la frustration, et donc favoriser la manifestation de l’ombre.

Mais une nuance de taille est à préciser : l’ombre de Trump a coïncidé momentanément avec celle de ceux qui ont voté pour lui, y compris le collège électoral, mais il s’agit plus du problème personnel de Trump qui, au final, n’a rien à voir avec les votants.

Ses supporters ont cru que ce que Trump disait correspondait à ce qu’ils pensaient.  En réalité, Trump exprimait sa propre ombre sur la scène nationale, dévoilant ainsi son degré de possession par ses aspects négatifs inconscients.

A travers sa campagne il a montré son monde de vanité, de haine, d’arrogance, de mensonges, d’impertinence, de virulence, son mépris des normes démocratiques.  Avant de se lancer dans l’aventure présidentielle, l’homme a passé sa vie à tromper ses clients, ses investisseurs et ses entrepreneurs.  C’est un millionnaire de mauvaise réputation, qui dans ses nombreux discours et comportements, révèle un être avide (d’argent et de pouvoir), fallacieux, fanatique, narcissique et autoritaire.

En bref, c’est son ombre qui le gouverne (intérieurement) et donc c’est elle qui va gouverner (extérieurement).  Trump a fait une OPA sur le gouvernement américain.  Autrement dit, il a été élu pour son propre désir de pouvoir, ses intérêts financiers, et ce, au détriment de ceux mêmes qui ont voté pour lui. 

Il y a eu identification entre les deux mondes intérieurs – de Trump et des votants – mais dans le monde extérieur, matériel, économique, social, et financier, c’est l’opposition totale.

Cette élection a plus démontré la manipulation des forces obscures et subjectives – détruisant ainsi toute objectivité.  Comme pour tout autre dictateur, la seule et unique vérité égale la vérité subjective inconsciente de Trump.  L’inconscience à la place de la conscience.

Résultat : en ignorant le négatif, on lui donne les pleins pouvoirs ; c’est lui qui gouverne sans que l’on en ait la moindre idée.  D’où la nécessité d’apprendre à se connaître en profondeur – le fameux « Connais-toi toi-même ».  Cela commence avec chacun d’entre nous.

L’élection de Trump indique que la moitié du peuple 47,9% s’est identifiée à l’ombre, et l’autre moitié 47,3%, s’est identifiée au conservatisme.  La société américaine est donc divisée en deux parts égales. Cette identification au négatif est à la fois négative et positive.

Elle est négative parce qu’elle crée le mal et la destruction à tous les niveaux de la vie.  Elle ne permet qu’un fonctionnement intérieur et extérieur dans l’absolu et l’extrême – que je comparerais à un acte djihadiste.  C’est le même type de fonctionnement que celui de Daesh, mais sous une autre expression.

L’identification au négatif est positive, parce que toute division est un signe de névrose.  Comme Jung l’a expliqué, la névrose a un sens et un objectif : elle permet de prendre conscience de son ombre et donc de la corriger, et c’est à partir de l’ombre que se fait la lumière.  Une condition : avoir le courage de faire face au négatif. Dans le cas contraire, ce sont les circonstances extérieures qui forcent le névrosé à devenir conscient de son ombre. Mais à quel prix ?

Ma compréhension que l’élection de Trump est à la fois négative et positive s’accorde aussi avec les différents sens du mot anglais « trump » qui est un nom et un verbe.

En tant que nom, il signifie « a good fellow, a reputable person » c’est-à-dire un bon garçon, une personne fiable.  Dans un jeu de cartes, « a trump card » signifie un atout, et par extension, un coup de maître, un tour de force, un avantage décisif.  En tant que verbe, « to trump » signifie exceller, surpasser.

Mais avec l’ajout de la préposition « up », le verbe « to trump up » signifie « to fake up, to fabricate, to devise deceitfully, to play a trick » (3) c’est-à-dire respectivement, faire semblant, raconter des bobards, tromper, jouer un tour.

Au cas où Donald se serait inconsciemment identifié à son nom, il en résulterait que l’identification s’applique aux deux significations opposées.   Les questions majeures :

  1. laquelle des deux va prendre le dessus ?
  2. va t-il pouvoir devenir conscient de son ombre ?
  3. si oui, après combien de souffrances infligées ?

Il faut énormément de temps pour passer de l’ombre à la lumière, que ce soit au niveau individuel ou au niveau collectif.  En attendant, que se passe t-il ?

Un autre point crucial qui a son pesant d’or :

Malgré ses belles paroles et ses bonnes intentions, Obama n’a pas réussi à entériner un problème ancien et de taille : l’élimination du collège électoral, un système datant de l’esclavage et qui viole le principe de « 1 homme = 1 vote ».  Plus de 60% d’Américains souhaitent son abolition.

Contrairement en France où les électeurs votent directement pour le président, aux Etats-Unis, les électeurs désignent des représentants qui sont ensuite chargés d’élire le président.  Ces représentants – au nombre de 538 – forment le collège électoral.  Cette élection est donc au suffrage universel indirect.

Parmi les présidents récents, Obama était le mieux placé pour se débarrasser du collège électoral.  En arrivant au pouvoir en 2008, le Congrès était majoritairement démocrate. Un amendement à la constitution aurait été approuvé par une majorité du peuple.  Il aurait fait la bonne chose au bon moment, et elle aurait été en accord avec les valeurs mentionnées dans ses fantastiques discours, son travail passé auprès des Noirs.

En donnant du pouvoir au peuple Obama aurait montré :

  1. qu’il l’avait entendu et compris
  2. que ses paroles et actes étaient concordants.

Mais il a préféré écouter la voix des multimillionnaires qui sont contre la suppression du collège électoral.  Non seulement il a trahi l’ensemble du peuple américain, mais aussi ceux de sa race.

Son élection a boosté son ego, son importance, son charisme, mais qu’est-ce que le peuple en tire ? Du coup, la course pour l’argent et le pouvoir a créé une énantiodromie.

Jung nous explique l’énantiodromie : lorsqu’une énergie trop forte et unilatérale dans la conscience atteint son extrémité, cette énergie se transforme d’elle-même en son contraire inconscient.  

Au départ, une contre position – ayant la même force que celle de la conscience – s’établit dans l’inconscient et vient inhiber le fonctionnement conscient.  Mais avec le temps, cette contre position finit par percer le contrôle de la conscience et éclate au grand jour créant une mauvaise surprise tout à fait inattendue.

Le collège électoral a élu Trump, mais si on tient compte du vote populaire, c’est Clinton qui l’emporte, mais elle perd l’élection.  Démocratique ?

D’ailleurs ce n’est pas la 1ère fois qu’Obama contribue à la non élection d’Hillary.

Travailleur social dans les ghettos de Chicago, puis ses diplômes en poche, Obama devient avocat et enseigne le droit.  Il entre en politique en 1996 lorsqu’il est élu au Sénat de l’Illinois.  En 2004 il est élu au Sénat des Etats-Unis. Là, Hillary et lui font une fine équipe.

Hillary, qui brigue les élections présidentielles depuis longtemps, est impressionnée par le talent du jeune sénateur. Elle le prend sous son aile et le forme aux coulisses du pouvoir à Washington.

En 2008, après un engagement politique de toute une vie, à 61 ans elle se présente à l’élection présidentielle, mais elle est trahie par son protégé de 47 ans qui décide lui aussi de se présenter.  On connaît la suite de l’histoire : n’ayant aucune chance de gagner, Hillary se rallie à la candidature d’Obama.  Il la nomme Secrétaire d’Etat (l’équivalent du Ministre des Affaires Etrangères chez nous).

Là aussi, elle avait remporté le vote populaire !

Peut-on imaginer la souffrance d’une femme devant ces deux échecs cuisants ?  Surtout qu’ils ont été dus en grande partie à la présence et à l’absence d’un seul et même homme.

Est-ce parce que c’est une femme ? Parce qu’elle est blanche ? Sexisme et racisme inconscients ? Si oui, alors c’est l’ombre négative de Barack Obama qui a 1) permis l’élection de Trump et 2) joué un mauvais tour à la candidature d’Hillary.  Sans ce système archaïque électoral, Hillary serait aujourd’hui à la Maison Blanche.

L’exagération de l’énergie envers l’argent et le pouvoir exacerbe l’ombre et finit par provoquer son irruption ; c’est donc bien elle qui gouverne la conscience individuelle, et par conséquent, la conscience collective.

La même situation s’était produite en 2000 lorsqu’Al Gore avait gagné le vote populaire, mais George W. Bush avait été élu.  On a vu ce que ce dernier a entrepris en Irak qu’il nommait « axis of evil » (l’axe du mal) : l’opération « Desert Storm », la chasse obsessionnelle de Bin Laden, les mensonges concernant les armes de destruction massive, la chute de Bagdad et le vide laissé après le départ des troupes américaines.  Est-ce que ce vide a profité à la création de Daesh en 2006 ?

Là encore, un autre exemple qui montre la projection du négatif sur un autre état, et que c’était l’ombre qui gouvernait.  A quoi devons-nous nous attendre avec la nouvelle ombre au pouvoir ?

De ce côté de l’Atlantique, nous ne sommes pas mieux lotis.  Le peuple français aussi est dégoûté du fonctionnement des gouvernants, de l’impossibilité de l’Etat à se réformer, des abus de pouvoir, des injustices, de la rigidité, du manque de discipline et de discernement.  En bref, la rage fait rage.

Après le Brexit en Angleterre, c’est maintenant le Brexit aux USA.  Est-ce que ce « vent brulant » (4) va atteindre nos rivages en Mai 2017 lors de l’élection présidentielle ?

Ne nous voilons pas la face : les mêmes dynamiques conscientes et inconscientes s’appliquent à notre pays.  Et comme le veut une loi des séries : « jamais deux sans trois ».

 

REFERENCES :

(1) Carl Gustav Jung, Collected Works, 9ii, « L’Ombre », p. 8

(2) Michel Cazenave, « C.G.Jung : « Lettres sur les religions », Lettre à Erich Neumann p. 494

(3) Roget’s International Thesaurus, 3rd edition, Thomas Y. Cromwell Company, New York, 1962

(4) Jung, “Réponse à Job”, Buchet Chastel, Paris, p. 212

 

 

 

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